Celle qui pleurait sous l’eau de Niko Tackian

Pourtant aujourd’hui, elle se retrouvait face à la réalité du terrain et à ceux qui se battaient quotidiennement pour la supporter. Ces femmes et ces hommes qu’elle recevait depuis sa prise de poste n’étaient plus des hypothèses ou des cas pratiques sur lesquels théoriser sans suite. Chacun de ses choix, chacune de ses décisions avaient un impact réel lourd de conséquences.

Chronique d’un roman qui donne la parole aux femmes

Si Clara n’avait pas aimé cet homme, elle serait toujours en vie.
Aujourd’hui, Clara n’est plus qu’un dossier sur le bureau de Tomar Khan. On vient de la retrouver morte, flottant dans le magnifique bassin Art Déco d’une piscine parisienne. Le suicide paraît évident.
Tomar est prêt à fermer le dossier, d’autant qu’il est très préoccupé par une enquête qui le concerne et se resserre autour de lui. Mais Rhonda,son adjointe, veut comprendre pourquoi une jeune femme aussi lumineuse et passionnée en est venue à mettre fin à ses jours.

Je retrouve avec plaisir le Commandant Tomar Khan, son équipe, et la capacité qu’a Niko de se mettre dans la peau des flics. Alors oui ce n’est pas le point central du roman, mais peu de romans policiers rendent hommage à la profession en pointant du doigts nos souffrances, la réalité de nos conditions de travail, du terrain… Et c’est, une fois encore, l’ un des points forts de ce roman. Pas de fantasme, pas de fioritures, juste la réalité.

Dans ce troisième opus, Niko fait la part belle aux femmes. Alors je ne vais pas vous redire ce qu’ont déjà souligné de nombreux blogueurs, une présence plus accrue de Rhonda, le passé de Ara… Vous le trouverez dans d’autres chroniques et elles sont nombreuses. Je ne vous parlerai pas non plus de l’intrigue et de l’enquête, qui sont bien menées mais qui, et c’est un avis qui n’engage que moi, s’achèvent un poil trop vite. Niko « a fermé toutes les portes », comme on dit en procédure, un peu trop rapidement. Un parti pris que je respecte bien sûr.

En revanche, il y a un autre aspect qui m’a beaucoup touchée. Niko évoque la difficulté de faire reconnaître la manipulation mentale et les violences psychologiques en tant qu’infraction pénale. C’est une réalité malheureuse, et rageante. Si ces sujets, ce que l’on appelle plus généralement les violences faîtes aux femmes sont un des thèmes récurrents de la littérature depuis quelques mois, Niko l’aborde sans que ce ne soit « tape à l’œil », choquant ou violent. Il a pris le parti de le faire avec subtilité, à l’image de ce que sont ces pervers, ces narcissiques qui se fraient un chemin dans l’esprit et le cœur de leur victime tel un serpent. Sans bruit. Discrètement. Pour une morsure brutale et une morte lente…

Nos histoires personnelles, nos trajectoires de vie influencent nos lectures ou en tous cas la « lecture » que nous en avons. Notre façon d’intégrer les mots issus de l’imagination des auteurs. Ce livre m’a donc particulièrement touché de part mon métier bien sûr mais aussi les rencontres de la vie. Et une fois encore, je ne peux que relever la pudeur avec laquelle Niko a traité ce sujet. Si l’on ne peut qu’avoir de l’empathie pour Clara, le choix opéré par l’auteur évite certains écueils tels que pathos, révolte du type « mais pourquoi elle n’a rien dit », et violences gratuites (que l’on retrouve trop souvent à mon goût chez certains auteurs).

Côté style, j’ai retrouvé la plume énergique et visuelle de notre scénariste. les scènes s’enchaînent parfaitement, à la manière d’un bon film. J’y ai trouvé un peu plus de poésie que dans ses romans précédents. Alors rassurez-vous, pas d’envolées lyriques pour notre boxeur et l’on retrouve le franc-parler propre à Niko, mais j’ai décelé quelques passages plus sensibles. L’auteur aurait-il laissé s’exprimer sa part de féminité ?

Et les personnages ? Tomar se révèle encore plus sensible, à la recherche de la vérité sur les évènements passés, Rhonda occupe une plus grande place et se dévoile davantage, Ara inspire encore plus de respect que dans les opus passés, son passé étant un peu plus dévoilé. Niko nous livre aussi un nouveau personnage, Ovidie, qui m’a beaucoup intriguée et que j’espère retrouver dans les prochains romans tant elle est charismatique au travers des mots de son créateur. Je ne vous parlerai pas davantage de cette nouvelle venue que je vous invite à découvrir en lisant ce troisième opus de la série Tomar Khan.

Ainsi, j’ai retrouvé avec grand plaisir la plume de Niko dans ce nouveau roman. Si Avalanche Hôtel avait été un rendez-vous manqué, avec Celle qui pleurait sous l’eau l’auteur nous livre un roman sensible, plein de pudeur mais tout aussi visuel que les précédents, pour traiter d’un sujet plus que jamais d’actualité.

Celle qui pleurait sous l’eau de Niko Tackian, paru le janvier 2020 chez Calmann-Lévy Noir.


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