
« Les yeux fermés, on pouvait trouver douce la rumeur du réfectoire. Le cliquetis des couverts dans les assiettes, le friselis de l’eau versée, le choc du verre sur le bois, la rumination des bouches, le tintement des pas sur le carrelage, le chevauchement des voix, des chants d’oiseaux et des aboiements, le vrombissement lointain d’un tracteur capté par les fenêtres ouvertes. Ils rythmaient simplement le partage du repas; le besoin des humains de s’alimenter pour ne pas mourir est touchant. »
Chronique d’un coup au cœur.
Rosa est allemande, mais pas une bonne allemande. Elle ne soutient pas le régime nazi. Quand son époux est appelé à combattre sur le front Russe, la Berlinoise trouve refuge chez ses beaux parents, à proximité de la Tanière du Loup. Un matin, deux SS l’emmènent. Elle deviendra l’une des dix goûteuse d’Hitler.
C’est au goût de mes larmes salées que j’ai achevé ce roman
porté par la plume sublime de Rosella Postorino.
Quelle
histoire bouleversante que celle de Rosa qui se retrouve
étrangère en son pays lorsqu’elle est contrainte de devenir
« goûteuse d’Hitler » au milieu de neuf autres femmes qui la
considèrent comme « la Berlinoise ».
Alors que manger
est un besoin vital, il devient, à Krausendorf, synonyme de mort.
Réduite à l’état de cobaye, Rosa raconte son histoire, ses
douleurs, ses paradoxes, la solidarité, l’amitié mais aussi le
sacrifice, la trahison, la haine et le mensonge. Une femme
exceptionnelle à qui Rosella Postorino redonne vie sous une plume
remarquable, emprunte d’une grande sensibilité et avec beaucoup de
tendresse. Redonne vie parce que le personnage de Rosa est inspiré
de l’histoire vraie de Margot Wölk.
L’auteur nous livre de
grands moments d’humanité dans l’horreur de la Guerre même si elle
n’en cache pas pour autant son pendant: l’inhumanité.
Elle
nous raconte l’Espoir, chevillé au corps et au cœur de ces femmes
qui se sont retrouvées seules, sans leurs maris. Elle décrit ce que
cet isolement entraîne et l’abandon au besoin d’être désirée:
« Nous
étions des femmes sans hommes […] Nous avions toutes besoin d’être
désirées, parce que le désir des hommes nous fait exister plus
fort […] ».
Au travers de Rosa, Rosella
Postorino nous livre la vision que les Allemands, non nazis,
portent sur leur pays qu’ils ne reconnaissent plus.
Elle nous
décrit le paradoxe entre nos corps et nos esprits, la lutte entre
le besoin de se sentir aimé à tout prix et le respect des valeurs
et en l’occurrence celle du mariage, dont elle fait une définition
d’une justesse incroyable.
Enfin, Rosella parle de la survie,
du doute et du remords. Ce sentiment si puissant qu’il peut vous
ronger jusqu’à la fin de votre vie.
La goûteuse d’Hitler est un coup au cœur, un coup de cœur XXL, un roman qui au-delà d’une histoire inoubliable, vous donne à réfléchir aussi sur vous…
La goûteuse d’Hitler, paru le 02 janvier 2019 aux éditions Albin Michel.
Magnifique chronique qui elle aussi nous va droit au coeur.
Et au delà de la chronique, comme je suis fière de te voir arriver sur la blogosphère petite soeur.
Bravo ma Oph
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J’ai dévoré ce roman en deux jours à peine. J’ai vraiment aimé découvrir ce personnage et ces goûteuses d’Hitler dont je ne connaissais pas l’existence. Les petites histoires qui font partie de la grande. C’est passionnant. Et Rosa est un très beau et fort portrait de femme. J’ai eu un peu plus de mal avec le style d’écriture de l’auteure, que je trouve trop sobre à mon goût. J’aurais apprécié plus de détails, de descriptions, découvrir plus en profondeur les personnages du roman. Mais la sobriété peut également être un choix, qui donne un ton plus abrupt et râpeux à la lecture et qui correspond bien à cette époque sans pitié. Le chapitre de fin m’a par contre un peu laissé sur ma faim… j’aurais aimé suivre Rosa plus longtemps lors de son retour à Berlin. Je n’en dirai pas plus pour ne pas dévoiler l’issue du roman. Merci de m’avoir donné envie de lire ce livre, Ophélie !
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