A même la peau de Lisa Gardner


« Réfléchissez à la chose suivante : il y a dix ans, on a mené une étude sur le seuil de la perception de la douleur chez de grands athlètes, c’est-à-dire des individus qui accomplissaient en permanence des performances quasi inhumaines aux prix de sévères plans d’entrainement. La première hypothèse de cette étude était que ces sportifs devaient posséder un seuil de résistance à la douleur plus élevé que le commun des mortels, ce qui aurait expliqué leur capacité à pousser leur corps dans ses derniers retranchements. Mais, à la grande surprise des chercheurs, c’est l’inverse qui s’est révélé exact. En fait, la plupart des athlètes ont témoigné un degré de conscience à la douleur plus élevé que la moyenne et on a observé chez eux une plus grande activité du système nerveux central que le groupe témoin. D’après eux, leur conscience aiguë de la douleur contribuait paradoxalement à leurs performances. Leur réussite ne tenait pas au fait qu’ils auraient été inconscients de leurs limites ou de leurs blessures mais au fait qu’ils connaissaient les contraintes et collaboraient avec leur corps pour les dépasser. Pas à proprement parler une victoire de l’esprit sur la matière, mais une connexion du corps et de l’esprit qui leur permet d’enregistrer les sensations, d’ajuster leur comportement et de s’améliorer constamment. « 

Chronique de la douleur

Si Lisa Gardner est loin d’être une novice en matière de thriller, A même la peau est mon premier roman de l’auteur. C’est donc vierge de tout a priori que j’ai entamé cette lecture passionnante.

Adeline est psychiatre. Jusqu’ici tout va bien me direz-vous. Oui. Mais Adeline est aussi la fille d’un tueur en série et la sœur d’une meurtrière peu commune. Fardeau familial peu banal qui vient s’alourdir d’une anomalie génétique qui l’empêche de ressentir la douleur. C’est pour combler cette absence de sensation, comprendre ce qu’elle est incapable de ressentir, qu’Adeline en fait sa spécialité. C’est dans ce cadre qu’elle rencontre DD Warren, inspectrice, blessée à l’épaule sur une scène de crime.

Lisa Gardner nous plonge dans le domaine de la douleur. Ses mécanismes, les possibilités de la combattre, son rôle dans la survie de l’ Homme également. Un thème sur lequel je suis particulièrement sensible et qui s’est révélé passionnant. Les recherches qu’a fait l’auteur sur le sujet sont nombreuses et Lisa Gardner brosse une carte d’identité complète de cette sensation. Elle évoque la douleur physique mais aussi psychique, celle qui alimente nos peurs et qui bien qu’appartenant à nos esprits est capable de se faire ressentir jusque dans nos chairs.
« Mais si on ne ressent pas la douleur, comment savoir de quoi avoir peur? La plupart de nos peurs ne trouvent-elles pas leur origine dans la douleur? »

A côté de ce sujet, l’auteur évoque le système carcéral américain et plus particulièrement les établissements pour femmes, les relations père-fille sous le prisme de l’adoption, mais explore également les multiples définitions de la famille, qu’elle soit du sang, imposée par la vie, ou celle que l’on se choisit.

Côté intrigue, c’est également une bonne surprise. D’impasses en fausses pistes, de certitudes en rebondissements, Lisa Gardner m’a emmenée avec elle, sans jamais me perdre, jusqu’à un final surprenant et émouvant. 
L’écriture est fluide et dynamique, soignée, sans ambages, avec la sensation que le style évolue au fil de l’intrigue: phrases plus ou moins courtes, traits d’humour, sensibilité exacerbée..; mais toujours pour mettre en relief un point particulier.
Je me suis prise d’affection pour plusieurs personnages, certains plus que d’autres tant par leurs caractéristiques que par le fait qu’ils ne présentent pas tous le même degré de construction. 
Un roman qui m’a beaucoup plu et que je recommande.

A même la peau, un thriller où la souffrance culmine quand l’absence de douleur, elle, domine.

A même la peau de Lisa Gardner, paru le 02 janvier 2019 aux éditions Albin Michel


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